Avec l'IA, Valeo accélère vers le développement de la voiture de demain

« Sur quel challenge l’IA pourrait-elle vous aider ? ». Cette question, Valeo, leader mondial des assistances à la conduite, l’a posée à ses ingénieurs lors d’un hackathon organisé avec Google Cloud axé sur l’IA générative en 2023. Résultat : plus de six-cents projets proposés pour deux-cent-quarante retenus. Une démarche qui témoigne de la priorité donnée à l’innovation par l’équipementier automobile français : Valeo a alloué en 2024 un budget de 2,5 milliards d’euros à la R&D, soit 12 % du chiffre d’affaires de l’entreprise. « Parce que c’est notre ADN, nous sommes le premier déposeur de brevets français dans le monde », ajoute Christophe Le Ligné, vice-président Recherche & Développement. Le groupe compte aujourd’hui 24 000 ingénieurs en R&D et 9 000 ingénieurs logiciels, dont un peu plus de 200 se consacrent entièrement à l’IA. Un engagement qui ne date pas d’hier. « Nous avons vu le potentiel très rapidement : je crois que notre premier produit intégrant l’IA était une caméra de recul en 2002 », se souvient l’ingénieur de formation. En 2017, Valeo va plus loin et lance Valeo.ai, un centre de recherche en IA appliquée à l’automobile, doté d’une équipe d’une trentaine de chercheurs experts en machine learning.
Penser la voiture du futur
Depuis, Valeo, qui se positionne désormais comme une « tech company » et non plus seulement un équipementier automobile, ne cesse d’intégrer l’IA dans sa transformation. « Il existe de nombreuses questions autour de son utilisation », décrypte Christophe Le Ligné. « Et surtout une opposition claire : est-ce que cette technologie va tuer l’industrie ou au contraire lui permettre de se développer ? Chez Valeo, nous partons du principe que c’est un prérequis à notre compétitivité. Avec l’IA, nous pouvons accélérer : nous avons ainsi pu développer un produit en sept mois, alors que cela prenait trois ans auparavant ».
Pour autant, Valeo n’en oublie pas de considérer l’intelligence artificielle pour ce qu’elle est. « Nous utilisons l'intelligence artificielle comme une véritable aide à la conception, mais avec toujours un ingénieur aux commandes », reprend Christophe Le Ligné. « Et parce que l’IA générative nous propose des solutions de plus en plus pointues, nous avons besoin de pousser toujours plus loin l’expertise de nos ingénieurs. Notre objectif, c’est vraiment de créer des ingénieurs augmentés, pas de les remplacer ». Thibault Buhet est l’un d’eux. Son métier ? Penser la voiture de demain, dont l’IA fait dès aujourd’hui partie intégrante. « C’est simple, je me sers de l’IA pour tout », confie-t-il. « Nous travaillons avec de gros volumes de données, notamment celles enregistrées par les capteurs du véhicule. Si j’ai besoin d’analyser un scénario précis, par exemple celui d’un passage piéton, je peux regarder des centaines d’heures de vidéo en notant tous les passages piétons, mais cela va me prendre un temps fou… L’IA, elle, peut trouver ces passages-là en dix minutes ». Particulièrement utile pour développer la conduite autonome, l’un des axes de recherche majeurs de Valeo, dont l’enjeu repose sur deux questions : comment percevoir correctement son environnement ? Et comment prendre la bonne décision au bon moment ? « L’IA générative nous sert à simuler rapidement des scénarios complexes. Je peux, par exemple, créer une situation avec de la neige ou faire surgir un animal à côté de la route ».
Dans cette optique, Valeo s’est rapproché de Google dès 2007, qui lui permet de tester les solutions en avance et à grande échelle. L’objectif affiché : concevoir mieux et plus vite les composants logiciels du véhicule de demain, tout en gardant un contrôle strict sur la qualité, la sécurité et la confidentialité des données. « Google nous apporte énormément de savoir et de savoir-faire en matière d'IA », précise Christophe Le Ligné. « Aujourd’hui, toutes nos solutions IA sont sur Vertex AI Studio. De notre côté, nous leur apportons cette expérience industrielle qui leur permet de développer des solutions adaptées. » Depuis peu, l’entreprise française s’est dotée de Gemini Code Assist, une technologie d’assistance dans l’écriture de code. « C’est complètement intégré à nos outils de développement, ce qui est très pratique », témoigne Thibault Buhet. « Le système se décline en deux outils. D’abord, l’autocomplétion du code. Un peu comme quand on rédige un SMS, le logiciel suggère une suite de code », détaille l’ingénieur. « Mais comme le système n’a que peu d’informations sur ma démarche, c’est là que le deuxième outil - un chatbot qui peut répondre aux problématiques que nous lui soumettons - devient utile. Non seulement le code généré est généralement de bonne qualité, mais l’outil nous donne également une explication sourcée et argumentée pour chaque suggestion ». Les premiers utilisateurs sont en tout cas convaincus : « C’est vraiment très stimulant pour tout le monde. On en discute ensemble, on fait des tests, on se montre nos découvertes », décrit Thibault Buhet.
L’IA propose, l’ingénieur dispose
Au-delà du développement pur, l’IA a également réservé quelques petites surprises aux équipes de Valeo en termes d’optimisation produit. Notamment pour une problématique sur laquelle l’entreprise travaille depuis plusieurs années : la gestion thermique des batteries dédiées aux véhicules électriques. « Ce sont des produits très sensibles aux changements de température, qui fonctionnent moins bien quand il fait très froid ou très chaud », explique Christophe Le Ligné. Chaque cellule de batterie doit être maintenue à une température optimale en fonction du besoin. Tout se passe grâce à un écoulement du fluide dans la plaque de refroidissement. La mise en œuvre d'outils d’IA génératifs associée au savoir-faire de nos ingénieurs a permis d'évaluer des solutions d'écoulements alternatives avec des résultats allant au-delà de nos attentes. D'autant plus que nous avons toujours un délai limité pour le développement d’un véhicule, nous n’avons pas le temps de modéliser des dizaines de solutions alternatives, ce que fait l'IA en quelques minutes ». Concrètement, la solution trouvée par l’IA utilise 20 % d’aluminium en moins, permettant la fabrication d’un produit plus léger, plus économique et surtout plus durable. Une porte ouverte pour la voiture du futur, qui sera « sûre, respectueuse de l’environnement et hyperconnectée ». Pas besoin non plus d’attendre des années pour y goûter, à en croire Christophe Le Ligné : « C’est déjà le quotidien de Valeo ! »