Des questions, des haussements d'épaules et ce que l'avenir nous réserve : un quart de siècle de changement
Note : Google célèbrera son 25e anniversaire à la fin du mois de septembre. A cette occasion, Sundar Pichai, PDG de Google et d’Alphabet, revient sur notre premier quart de siècle et aborde les questions ainsi que les progrès technologiques qui ont permis nos plus grandes percées et nos produits les plus utiles. Il partage aussi ses réflexions sur l'Intelligence Artificielle (IA), qui nous permet d'accomplir des choses importantes à une échelle encore plus grande.
A tous ceux qui utilisent nos produits à travers le monde monde, à nos salariés et à nos partenaires,
En septembre, Google fête son 25e anniversaire. Atteindre une telle étape est un privilège. Cela n’aurait pas été possible sans ceux qui utilisent nos produits et nous poussent à innover, sans les centaines de milliers de Googlers, d’hier et d’aujourd’hui, qui ont mobilisé leurs talents pour créer ces produits et sans nos partenaires, qui croient en notre mission autant que nous.
L’heure est à la gratitude et à la réflexion.
J’ai beaucoup pensé à la manière dont la technologie a évolué au cours des 25 dernières années et à la façon dont les individus s’y sont adaptés. Quand j’étudiais aux Etats-Unis, mon père, qui lui vivait en Inde, créa sa propre adresse e-mail. J’étais alors ravi d’avoir enfin un moyen rapide (et plus abordable) de communiquer avec lui. Je décidai donc de lui envoyer un message.
Et puis... J’attendis… encore et encore. Deux jours plus tard, je reçus cette réponse :
« Cher M. Pichai, email bien reçu. Tout va bien. »
Perplexe face au délai et au ton formel de sa réponse, j'appelai mon père pour tenter de comprendre. Il m'expliqua que quelqu’un à son travail avait dû récupérer cet email via un ordinateur, avant de l’imprimer puis de lui remettre en main propre. Mon père avait ensuite dicté sa réponse à cette personne, qui la nota sur un papier puis me l'envoya depuis son ordinateur.
Revenons à notre époque. Mon fils peut photographier quelque chose qui l'intéresse, partager les images avec ses amis et en discuter avec eux par messages interposés en moins de temps qu'il ne me faut pour sortir mon téléphone de ma poche.
La façon dont j’échangeais avec mon père il y a de nombreuses années et la manière dont mon fils communique aujourd’hui montrent bien comme tout peut changer d’une génération à l’autre. La technologie à laquelle nous nous sommes adaptés au fil des années est une seconde nature chez nos enfants. Pour mon père, l'idée de passer un appel depuis sa montre ou de demander à sa voiture de jouer sa chanson préférée relevait de la science-fiction la plus merveilleuse. Aujourd’hui, cela ne déclenche que des haussements d'épaules chez mes enfants.
Et cette attitude me remplit d’espoir pour l’avenir. Elle illustre le niveau très élevé des exigences vis-à-vis de ce que la prochaine génération va concevoir et créer... Et je me réjouis d’avance de voir quelles innovations feront hausser les épaules de leurs enfants.
Une vérité fondamentale avec l'innovation, c’est que dès que vous repoussez les limites d’une technologie, elle cesse vite d’être extraordinaire pour devenir banale. C’est pourquoi Google n’a jamais rien pris pour acquis.
Tout a commencé par une recherche
Il y a 25 ans, Larry et Sergey ont posé pour la première fois notre mission sur le papier : organiser les informations à l'échelle mondiale afin de les rendre accessibles et utiles à tous. Ils avaient la vision ambitieuse d'un moteur de recherche inédit, capable d'aider à comprendre les masses d'informations éparpillées sur la toile. Par la suite, le produit qu’ils créèrent, la recherche Google, aida des milliards de personnes à travers le monde à trouver les réponses à leurs questions.
Pendant plusieurs années, j’ai utilisé Google comme n’importe quel autre internaute. Je me souviens avoir été époustouflé par sa capacité à trouver la meilleure réponse aux questions les plus ésotériques, d'un minuscule détail enfoui au fin fond de la page du service client d’un magasin, jusqu’à une obscure règle de football.
Petit à petit, mes questions ont évolué : « Comment réparer un robinet qui fuit ? », « Comment se rendre rapidement à l'hôpital de Stanford ? », « Comment calmer un bébé qui pleure ? ». Puis, peut-être au printemps 2003 : « Comment réussir un entretien d'embauche chez Google ? ». Et au fil du temps, les réponses apportées par Google sont devenues de plus en plus pertinentes.
C’est inspirant de voir ce que les gens ont fait des réponses à leurs questions. Qu’il s’agisse de trouver des soins ou du réconfort lors d'une période difficile, d’acquérir de nouvelles compétences, de débuter une nouvelle carrière ou de créer son entreprise. L’idée même qu’un étudiant vivant dans la campagne indonésienne ait accès aux mêmes informations qu’un professeur à Stanford était révolutionnaire. Elle a changé des vies et notre monde pour le mieux. Google a ouvert l'accès à l’éducation et à l’entrepreneuriat comme jamais auparavant et son impact reste inégalé à ce jour.
La recherche a aussi posé les fondations de ce qui a permis à Google d’avoir un impact économique au-delà de ses propres murs. Nos plateformes et outils publicitaires ont commencé avec un principe aussi simple que la recherche Google elle-même : aider les entreprises à toucher des clients déjà à la recherche de produits et de services correspondant à leur offre. Cela plu particulièrement aux petites entreprises, comme ce vendeur de homards par correspondance qui fut notre premier client. Et comme sur le réseau de recherche lui-même, la possibilité pour toute entreprise de faire de la publicité en ligne a eu un impact transformationnel, aidant des millions d’entreprises à rejoindre l’économie numérique.
Un quart de siècle de questions
Le moteur de recherche est toujours au cœur de notre mission. Il demeure notre produit le plus ambitieux et notre pari le plus audacieux. Il fait l'objet d'un travail permanent.
Bien sûr, aujourd'hui Google est plus qu’un moteur de recherche. 15 produits Google accompagnent chacun plus de 500 millions d’entreprises et d’individus et 6 d’entre eux aident respectivement plus de 2 milliards de personnes.
A l’instar de la plupart des requêtes Google, ces produits sont aussi nés d’une question. Par exemple : « Pouvons-nous offrir 1 Go de stockage à chaque utilisateur ? » pour Gmail. Lors de son lancement en 2004, ce volume était 100 fois supérieur à ce qu’offraient la plupart des services de messagerie en ligne gratuits de l’époque !
Quelques années plus tard, nous avons saisi l'opportunité d'améliorer de façon significative les navigateurs Web - et le Web en général - pour tout le monde et partout. Avec Chrome, la question était la suivante : « Pouvons-nous concevoir un navigateur qui améliore Internet et qui soit l’incarnation de la simplicité, de la rapidité et de la sécurité ? ». Juste avant son lancement, je me posais moi-même une question : « Les gens vont-ils l’utiliser ? ».
Pour YouTube, nous avons osé aller plus loin : « Pourquoi ne pas donner aux utilisateurs la possibilité de partager leurs connaissance avec le reste du monde ? ». Aujourd’hui, YouTube est devenue une plateforme majeure d’apprentissage et de partage du savoir.
Nous n’avons jamais cessé de nous poser des questions et nous avons continué à améliorer et à élargir notre gamme de produits, en proposant de nouvelles réponses. « Et si Google Maps permettait aux utilisateurs de voir chaque rue dans les moindres détails ? Et pourquoi pas concevoir un outil de traduction permettant d'accéder à l'information et de communiquer en plusieurs langues ? Et si on pouvait parcourir nos photos et trouver nos anciennes images en décrivant simplement ce que l'on souhaite voir ? ».
Nous nous sommes aussi interrogés sur la manière de partager au mieux nos outils, nos percées technologiques et nos infrastructures. Google a été conçu dès le départ dans le Cloud, même si notre produit Cloud n’a été lancé qu’en 2008. Des partenaires issus de tous les secteurs utilisent la technologie Google Cloud pour améliorer leur service client, renforcer l’efficacité de leur supply chain, réduire leur empreinte carbone, créer de nouvelles applications et aller plus loin grâce à l’IA. Comme les entreprises qui ont fait appel à nos services publicitaires, nos clients Cloud marchent mieux, se développent plus vite et créent des emplois, avec notre aide.
Bien entendu, nos questions n'ont pas toutes été couronnées de succès. Au cours d'un voyage de 25 années, on doit faire face à des échecs, en retirer des leçons et travailler pour faire mieux. Qui se rappelle de Google Wave ?
Nous avons aussi été confrontés à des questions difficiles concernant notre avenir en tant qu'entreprise. Dans les années 2000, on se demandait : « Quel sera la durée de vie d’Internet ? ». Dans les années 2010, les utilisateurs s'interrogeaient sur notre capacité à nous adapter à l’ère du mobile et se demandaient si la recherche Google n’appartenait pas déjà au passé. A chaque fois, nous avons répondu. A chaque fois, nous sommes revenus sur le devant de la scène. Plus forts. Nous avons réussi cela restant focalisés sur notre mission et en cultivant la conviction que la technologie peut améliorer la vie des gens. Et aussi, grâce une saine audace face à l'impossible.
Une saine audace face à l’impossible
Cette saine audace explique pourquoi nous avons réussi à relever des défis que d’autres ne pouvaient pas (ou ne voulaient pas) surmonter. Il y avait par exemple ce projet impossible de mettre un ordinateur puissant dans la poche de tout le monde, peu importe le niveau de revenu ou la qualité de la connexion Internet. Aujourd’hui, Android alimente 3 milliards d’appareils partout dans le monde, des téléphones pliables dernier cri comme de modèles premier prix. C’est l’essence même de Google, que de faire en sorte qu’Internet soit accessible à tous et d'inspirer d’autres produits innovants. De la même manière, le Chromebook a rendu l’informatique accessible aux écoles du monde entier. Par ailleurs, Google Pixel a placé entre les mains de nos utilisateurs le meilleur de nos dernières technologies : appareils photos alimentés par le Machine Learning, reconnaissance vocale, transcription, puce Tensor, et bien plus encore.
Ce qui nous amène à parler d'IA.
Google investit dans l’IA depuis les premiers jours. Nous étions l’un des premiers à intégrer le Machine Learning dans nos produits dès le début des années 2000, pour la correction orthographique, améliorer la qualité des publicités et afficher des suggestions et des recommandations.
Puis, au début des années 2010, il y eut un véritable engouement autour des réseaux de neurones profonds. En 2012, nous étions une poignée à assister à une démonstration dans une salle de réunion près de Charlie’s, le principal café du campus Google. Je me souviens avoir regardé avec admiration l’équipe de recherche nous montrer les progrès qu’elle avait réalisés en matière de reconnaissance d’images grâce aux dernière percées dans les réseaux neuronaux. C'est la première fois que je me suis dit : cela va vraiment changer la donne !
J’ai eu le même sentiment face à la recherche disruptive et interdisciplinaire menée chez DeepMind, dédiée à la compréhension de l'intelligence elle-même. Ces progrès ont profondément influencé ma façon de voir les choses, notamment quand j’ai été nommé PDG en 2015. Google devait pivoter pour devenir AI-first.
D'autres questions sont apparues ensuite. « Comment alimenter cette nouvelle génération de solutions informatiques ? ». Nous avons donc inventé les Tensor Processing Units (TPUs) qui permettaient une augmentation de performance pour le Machine Learning 30 à 80 fois supérieure aux machines de l'époque et qui équipaient AlphaGo, l'ordinateur qui a battu vaincu Lee Sedol, le champion du monde de Go, en 2016.
Nous avons ensuite publié Transformer, notre papier de recherche historique, en 2017. Cette publication jeta les fondations de l’architecture du réseau neuronal qui constitue la base de la plupart des modèles d’IA générative et des grands modèles de langage aujourd’hui.
Nombre de ces avancées technologiques ont permis des innovations produits fantastiques. Face aux requêtes complexes, les résultats du moteur de recherche sont de plus en plus pertinents grâce aux grands modèles de langage comme MUM et BERT. Nous avons créé de nouvelles façons de lancer une recherche : par la voix, les images et grâce à la capacité d'interroger ce que l'on voit avec Multisearch.
Aujourd'hui, l'IA générative nous aide à réinventer nos principaux produits d'une manière passionnante : de la Search Generative Experience (SGE) du moteur de recherche à « Aidez-moi à écrire » dans Gmail. Par ailleurs, plus tôt cette année, nous avons lancé Bard : une expérimentation qui permet à chacun de coopérer avec l’IA générative.
Ce que je préfère par-dessus tout, c’est voir à quel point nos produits font la différence dans la vie des gens. Qu’il s’agisse d’un parent qui utilise Bard pour trouver comment occuper ses enfants un après-midi pluvieux, d’un voyageur dans un pays étranger qui utilise Google Lens pour traduire les horaires d'un train, ou encore d’une famille capable d’entendre la voix d’un homme atteint de la maladie de Charcot grâce à nos recherches sur la reconnaissance et la synthèse vocale.
Concevoir à grande échelle des produits utiles au plus grand nombre est à la fois un privilège et une responsabilité. Les gens se posent la question : « Pouvons-nous faire confiance à ces nouvelles technologies ? » Nous menon une réflexion approfondie au sujet de la manière de construire une technologie responsable dès le départ, qu’il s’agisse d'assurer la confidentialité et la sécurité des informations personnelles de chacun, comme de protéger les personnes contre les acteurs malveillants.
Ceci implique de prendre part à des débats importants sur la manière dont ces technologies vont façonner notre société et de trouver des réponses collectives. L’IA est un sujet incontournable de ces échanges. Bien que nous soyons enthousiastes au sujet du potentiel de l’IA et de ses bénéfices pour la société et les citoyens, nous comprenons qu'elle puisse peut représenter des risques et des écueils, comme d’autres nouvelles technologies à leur époque.
Notre déploiement et notre usage de l’IA doivent prendre en compte ces risques et nous aider à développer cette technologie de manière responsable. Les principes de l’IA que nous avons publiés en 2018, sont un bon point de départ. Ces principes posent des questions, telles que : « L'IA sera-t-elle utile aux individus et à la société ou risque-t-elle d’être préjudiciable ? ». Ces principes façonnent aussi le développement de nos produits et applications fondés sur l'IA. Ils nous guident pour trouver des solutions à des problèmes naissants. Par exemple, rien que la semaine dernière, nous avons lancé SynthID, un outil pour identifier et intégrer un filigrane dans les images générées par l’IA. Ceci permettra de répondre à certaines inquiétudes relatives à la question de la transparence. Nous continuerons à travailler avec des experts et la communauté pour apprendre davantage et nous améliorer.
Et demain ?
Alors que nous envisageons l’avenir, je repense à l’engagement pris par notre fondateur, dans sa lettre publiée en 2004 : « Développer des services qui améliorent la vie du plus grand nombre. Accomplir des choses importantes ».
Avec l’IA, nous avons la chance de pouvoir accomplir des choses importantes, à une échelle encore plus grande.
Nous commençons à peine à saisir ce que la prochaine vague de technologie sera capable de faire et à quelle rapidité celle-ci s'améliorera. Un million d’individus utilisent déjà l’IA générative dans Google Workspace pour écrire et créer. L'outil de prédiction des inondations Flood Forecasting couvre les zones d'habitation de plus de 460 millions de personnes dans le monde. Un million de chercheurs ont déjà utilisé la base de données AlphaFold, qui regroupe plus de 200 millions de prédictions de structures 3D de protéines, permettant ainsi de faire avancer la lutte contre la pollution plastique, la résistance aux antibiotiques, le paludisme et bien plus encore. Nous avons montré à quel point l’IA peut aussi aider le secteur du transport aérien à éliminer les traînées de vapeur des avions (les contrails), un outil important face au défi du changement climatique.
Et pour autant, beaucoup de choses sont encore devant nous. Progressivement, l’IA deviendra le plus grand changement technologique de notre existence. Plus important que le passage de l’ordinateur de bureau au mobile, voire plus grand que la création même d’Internet. Il s’agit d’une refonte majeure de la technologie et d’un incroyable accélérateur de l’ingéniosité humaine.
Rendre l’IA encore plus utile à tous et la déployer de manière responsable est le moyen le plus important d'accomplir notre mission pour les 10 prochaines années et au-delà.
Désormais, l’IA nous permettra, à nous et à d’autres, de poser des questions comme :
Comment faire pour que chaque étudiant ait un tuteur particulier, dans n’importe quelle langue, sur n’importe quel sujet ?
Comment aider les entrepreneurs à développer de nouvelles formes d’énergie propre ?
Quels outils pouvons-nous concevoir pour aider les utilisateurs à imaginer et à créer de nouveaux produits et à développer leurs entreprises ?
Comment repenser des secteurs comme le transport ou l’agriculture ?
Comment aider les communautés à prédire les catastrophes naturelles et à s'y préparer ?
Alors que nous approchons de nouvelles frontières, nous avons une nouvelle occasion d’agir avec audace et responsabilité pour améliorer autant que possible la vie du plus grand nombre et continuer à nous poser ces grandes questions.
Notre quête de réponses va entraîner des progrès technologiques extraordinaires au cours des 25 prochaines années.
Et si en 2048, quelque part dans un recoin du monde, un adolescent hausse les épaules face à ce que nous avons accompli avec l’IA, nous saurons alors que nous avons gagné notre pari. Et ensuite, nous nous remettrons au travail.
Merci pour ces 25 années exceptionnelles,
- Sundar Pichai