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Blogue Google Canada

L’œuvre et l’héritage de l’artiste autochtone Norval Morrisseau

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Aujourd’hui, le doodle de Google Canada salue la vie, l’œuvre et l’héritage de l’artiste autochtone Norval Morrisseau, dit Oiseau-Tonnerre de cuivre. Le doodle a été conçu et illustré par les artistes anichinabés Blake Angeconeb et Danielle H. Morrison, tous deux originaires du lac des Bois, en Ontario – endroit mieux connu sous le nom de Kenora et fief de la nation anichinabée visée par le Traité no 3. L’œuvre qui forme le Doodle rappelle sans équivoque le style de Morrisseau : myriade de couleurs vives, hommage à son surnom, portrait de l’artiste et présence de motifs floraux caractéristiques de l’art traditionnel anichinabé. Afin de mieux comprendre la légende derrière l’artiste et d’en savoir plus sur son esprit et son influence, nous nous sommes entretenus avec M. Angeconeb et Mme. Morrison.

Blake & Danielle

Blake Angeconeb & Danielle H. Morrison

Q. : À quel moment et de quelle façon Norval Morrisseau est-il entré dans votre vie?

Danielle : Quand j’étais jeune, nous avions un grand livre des photos des tableaux de M. Morrisseau à la maison. J’ai grandi à Kenora, en Ontario, où M. Morrisseau a passé une partie de sa vie – pas toujours heureuse – selon les histoires que racontait mon père. J’ai fini par comprendre que M. Morrisseau était l’un des nombreux Anichinabés du lac des Bois à avoir connu une vie tourmentée en raison des traumatismes subis dans les pensionnats indiens. J’ai été stupéfaite qu’il ait supporté tant d’adversité et créé de l’art d’une telle beauté. Aussi, je crois que lui et moi étions parents, puisque sa famille et la mienne portent le même nom. En effet, mon grand-père était un Morrisseau avant d’aller au Pensionnat indien Cecilia Jeffrey, où son nom a été remplacé par Morrison. À la fin de mon parcours secondaire, j’ai décidé d’étudier les beaux-arts à l’université. J’ai passé ces années à analyser la majeure partie de l’œuvre de M. Morrisseau. Je me suis sentie proche de lui pendant cette période déterminante de ma vie.

Blake : J’ai commencé à peindre en 2013. À l’époque, je peignais des portraits de mes idoles et de mes musiciens préférés. Je me rappelle avoir découvert l’œuvre de M. Morrisseau peu de temps après. J’ai eu un coup de foudre. Je passais mes pauses dîner à la bibliothèque à lire tous les livres que je trouvais à son sujet. Son art a profondément marqué ma vie, car je peins dans le style des Woodlands moi aussi. Je ne serais pas la même personne sans Norval Morrisseau.

Q. : Pouvez-vous m’en dire un peu plus sur la vision artistique et l’interprétation de ce Doodle? En quoi rend-il hommage à Norval Morrisseau et à ses racines?

Blake : Ce Doodle respecte le style de l’école des Woodlands, que M. Morrisseau maîtrisait à la perfection. C’est lui qui a fait connaître cette forme d’art. Dans le doodle, le premier « G » est représenté par un serpent et les « O », par deux oiseaux. Le second « G » suit le profil de M. Morrisseau. Le « L » et le « E » forment sa coiffure de chaman. Le mot est entouré d’un motif floral traditionnel anichinabé. Nous devions superposer de nombreuses couches de couleurs pour que le doodle soit représentatif du style de M. Morrisseau. Nous avons créé plusieurs concepts, mais celui-ci nous a semblé correspondre le mieux à M. Morrisseau, une personne et un artiste indomptable.

Danielle : Notre culture anichinabée et les environs du lac des Bois inspiraient beaucoup Norval Morrisseau. Dans ce Doodle, on trouve une palette de couleurs semblable, des références à la nature et un esprit cérémonial. J’ai toujours aimé les motifs floraux dans l’œuvre de M. Morrisseau et l’impression de vitalité qui s’en dégage. Il nous a semblé logique d’entourer le doublé d’un motif floral anichinabé qui rappelle le style de l’artiste. Ce motif donne vie à l’œuvre.

Q. : À votre avis, comment Norval Morrisseau a-t-il contribué à façonner la culture et les arts?

Mme Morrison : En ma qualité de chercheuse dans le domaine des beaux-arts, je peux affirmer qu’il a eu une profonde influence. Par contre, je n’ai pas nécessairement appris cela à l’université, puisque ma formation était surtout axée sur l’art occidental et portait rarement sur les artistes autochtones. J’ai eu connaissance de l’influence de M. Morrisseau plus tard dans mon parcours, lorsque j’ai réalisé les portes qu’il avait ouvertes aux artistes autochtones qui lui ont succédé. Aujourd’hui, de nombreux artistes autochtones – dont moi – sont inspirés par son héritage et sa ténacité à créer des œuvres inédites dans le milieu des arts. Il nous enseigne à être fiers du peuple anichinabé, à nous élever au-dessus des stéréotypes et à ne pas restreindre notre créativité.

qui est norval morrisseau

Q. : Pourquoi est-il considéré comme le Picasso du Nord?

Danielle : Picasso a rompu avec la tradition et révolutionné l’art. De bien des façons, M. Morrisseau a fait la même chose avec la culture anichinabée. Il a essuyé de nombreuses critiques de la part de notre communauté pour avoir révélé ce que beaucoup considéraient comme sacré et réservé à ceux qui pratiquent ces enseignements. Les sujets de ses œuvres – qu’il s’agisse de références culturelles ou d’allusions à la sexualité – étaient particulièrement tabous. Aujourd’hui encore, le mélange de concepts contemporains et d’enseignements sacrés représenté par les disciples de l’école des Woodlands est loin de faire l’unanimité. Cela n’avait aucune importance pour M. Morrisseau. Il a continué à exprimer ses idées et sa créativité, laissant une marque indélébile sur le milieu des arts.

Q. : Que devrait-on savoir au sujet de Norval Morrisseau et comment pourrait-on honorer son héritage?

Blake : J’aimerais qu’on reconnaisse à quel point son œuvre embellit le monde. Par ses dessins et ses peintures, il a canalisé notre culture et notre histoire. Son œuvre a raconté les Anichinabés et continuera de le faire puisqu’elle est immortelle. Il a exploité son don pour améliorer le monde et l’a partagé avec la terre entière. Je crois sincèrement que son art est destiné à servir une cause plus grande et à contribuer à l’apaisement collectif.

Danielle : Il est important de comprendre que l’art de M. Morrisseau est influencé par les enseignements anichinabés de connectivité – le principe selon lequel nous sommes tous des êtres d’énergie reliés entre eux. M. Morrisseau partageait la vision anichinabée du monde, une vision qui accepte tous les genres, toutes les sexualités, races et religions. Les gens devraient savoir que M. Morrisseau était bisexuel. Il est donc tout à fait pertinent que ce doodle soit lancé en juin, qui est le Mois de la Fierté et le Mois national de l’histoire autochtone au Canada. Dans un monde où la haine et la division nourrissent la violence, nous gagnerions tous à mettre en pratique les enseignements et l’héritage de paix et de compréhension mutuelle de M. Morrisseau.

Q. : Comment pouvons-nous mieux soutenir les artistes autochtones au Canada?

Danielle : Il faut reconnaître en eux des personnes dont la vision artistique dépasse l’idée romantique que la société entretient de « l’art autochtone ». Il ne faut pas s’attendre à ce que ces artistes représentent tous les peuples autochtones. Pour soutenir les artistes autochtones, il faut également appuyer les concepts artistiques qui font éclater les stéréotypes et qui dépassent les simples plumes d’aigles et cercles de médecine. Les artistes autochtones utilisent tous les moyens d’expression : perlage, sculpture, couture, peinture, chant et danse. Chacun d’entre eux mérite une rémunération adéquate. Ces artistes ont passé des heures, des années, voire des décennies à perfectionner leur art – ce qui, en soi, est un acte de réappropriation et de revitalisation culturelles. La meilleure façon de les soutenir est d’acheter des œuvres d’art autochtone. Aidez les artistes autochtones à gagner leur vie de leur art, afin qu’ils puissent inspirer la génération suivante et lui passer le flambeau.

Pour en apprendre davantage sur Norval Morrisseau, consultez le site de sa succession : https://officialmorrisseau.com/