Notre témoignage au Sénat sur le projet de loi C-18
Note: Présenté au Comité sénatorial permanent des transports et des communications, le 3 mai 2023
Monsieur le président, honorables sénateurs, je vous remercie de nous donner l’opportunité de nous présenter et de partager notre point de vue sur le projet de loi C-18.
Nous avons souvent entendu notre position sur cette législation être mal interprétée, comme quoi nous ne voulons pas être réglementés ou soutenir l’écosystème de l’information au Canada. C’est faux.
Grâce à ses services et son financement direct aux organismes de presse, Google est l’un des principaux soutiens financiers du journalisme dans le monde.
L’année dernière seulement, nous avons connecté nos usagers aux organismes de presse canadiens plus de 3,6 milliards de fois, gratuitement, permettant aux éditeurs de presse de gagner de l’argent grâce aux annonces et aux nouveaux abonnements. Nous payons également les éditeurs de presse pour qu’ils accordent des licences sur des contenus classés et payants par l’intermédiaire de Google Vitrine Actualités, qui soutient actuellement plus de 150 publications à travers le Canada. Dans le cadre de la Google News Initiative, nous fournissons des outils, des formations et du financement pour soutenir l’objectif commun de favoriser un écosystème de l’information sain, indépendant et diversifié.
Nous sommes prêts et disposés à en faire plus. Nous soutenons une approche réfléchie de la réglementation qui protège les fondements du Web ouvert et qui reconnaît la valeur que nous apportons déjà aux éditeurs.
Malheureusement, le projet de loi C-18 n’encouragera pas la poursuite ou l’expansion des accords de licence des éditeurs, comme il est censé le faire. Il risque plutôt de mettre en péril les produits, services et investissements actuels qui profitent à l’écosystème de l’information et à tous les Canadiens.
Depuis plus d’un an, nous partageons nos préoccupations et proposons des solutions réfléchies et des modèles alternatifs qui permettraient d’atteindre plus efficacement les objectifs politiques sous-jacents.
Cependant, au lieu d’envisager un modèle de fonds ou de répondre aux préoccupations soulevées par nous et par d’autres, les récents amendements ont passé sous silence des problèmes graves, en ont exacerbé d’autres et ont produit toute une série de nouvelles incohérences.
Le débat sur cette législation a également créé des attentes dramatiquement irréalistes parmi les éditeurs de presse et les politiciens, considérant le projet de loi C-18 comme une subvention illimitée pour les médias canadiens. Et la classe des éditeurs s'est tellement élargie que le projet de loi n'aura pas d'impact là où c'est le plus important.
Parmi les principaux problèmes posés par le projet de loi C-18, on peut citer les dispositions qui annulent les indemnités de droits d’auteur bien établis et qui mettent un prix sur les liens. En faisant du Canada le premier pays au monde à fixer un prix sur les liens gratuits vers des pages Web, ce projet de loi ignore la valeur actuelle de 250 millions de dollars du trafic gratuit pour les éditeurs et crée un dangereux précédent contraire aux intérêts à long terme de l’écosystème canadien de l’information.
Laisser intacts les provisions existantes en matière de droit d’auteur, comme cela a été fait avec la directive de l’Union européenne sur le droit d’auteur (EUCD), établirait une base raisonnable qui reconnaîtrait la valeur du trafic gratuit et permettrait la négociation de contenus et de services à valeur ajoutée.
Malheureusement, le projet de loi C-18 pourrait entraîner un ralentissement ou un arrêt du soutien apporté aux éditeurs de presse canadiens, alors que Google et d’autres entreprises chercheront à clarifier la situation afin de parvenir à un résultat raisonnable.
La création de critères d’exemption clairs aurait pour avantage immédiat d’encourager Google et les éditeurs à s’asseoir ensemble, à conclure des accords et à verser rapidement de l’argent au journalisme.
Remplacer l’arbitrage de l’offre finale par l’arbitrage commercial standard, qui est utilisé pour les litiges commerciaux les plus complexes, serait le moyen le plus juste et le plus équitable de régler les litiges.
En outre, la clarification des critères d’éligibilité permettrait de s’assurer que le projet de loi soutient efficacement et équitablement le journalisme de qualité pour les communautés locales, notamment en veillant à ce que les entreprises de nouvelles admissibles produisent réellement du journalisme et financent directement la création de journalisme.
La réalité du projet de loi C-18 est que le niveau extrême d’incertitude commerciale et de responsabilité financière non plafonnée que l’on demande à Google d’accepter, simplement pour fournir des liens gratuits vers les sources d’information que les Canadiens recherchent et dont les éditeurs de presse tirent profit, est déraisonnable et menace également de créer une situation où tout le monde est perdant.
Si nous devons payer les éditeurs simplement pour établir des liens vers leurs sites, ce qui nous fait perdre de l’argent à chaque clic, il serait raisonnable pour nous, ou pour toute entreprise, de reconsidérer les raisons pour lesquelles nous continuerions à le faire.
Nous restons déterminés à travailler de manière constructive avec les sénateurs, le gouvernement et l’industrie de l’information, afin de corriger cette législation et de la faire fonctionner comme prévu.
Au minimum, C-18 devrait inclure une voie d’exemption claire et réalisable qui incite les entreprises comme Google à continuer à soutenir l’écosystème canadien de l’information.
Nous attendons vos questions.
Nos recommandations pour le projet de loi C-18
Projet de loi C-18 s. 2(2), 24 | « Rendre disponible »
Le fait d’exiger un paiement pour « rendre l’information disponible » met un prix sur les liens, ce qui est en opposition avec les fondements du Web ouvert. Cela crée un coût pour le simple fait de fournir aux Canadiens des liens vers l’information qu’ils recherchent. De plus, cette exigence ne tient pas compte de la valeur existante du trafic généré par notre plateforme pour les éditeurs d’actualités, et encourage le volume de contenu au détriment du contenu de qualité (c’est-à-dire les pièges à clics au détriment du journalisme). Ce n’est également pas conforme à la législation et aux normes en matière de droits d’auteur.
Nous recommandons de réviser le projet de loi afin de préserver les exceptions existantes en matière de droit d’auteur et de veiller à ce que les obligations de paiement soient déclenchées par « l’affichage » d’un contenu d’actualité qui n’est pas inclus dans ces exceptions. Cela élimine le paiement pour les liens et laisse intacts les provisions en matière de droits d’auteur.
Projet de loi C-18 s. 11, 19, 38, 39 | « Exemption » & « Résolution des litiges »
Les critères déraisonnables de « résolution des litiges » et d’« exemption » laissent les intermédiaires de nouvelles numériques dans une situation d’incertitude commerciale extrême et de responsabilité financière non plafonnée. Cela rend difficile la poursuite d’un travail de bonne foi pour parvenir à des accords avec les éditeurs et pourrait avoir un impact sur la façon dont les contenus d’information sont mis à la disposition des Canadiens.
Afin de garantir des résultats équitables et équilibrés pour tous, la résolution des litiges devrait suivre les règles d’arbitrage commercial standard avec des délais accélérés, et les instructions à la commission d’arbitrage devraient être supprimées. Les critères d’exemption doivent être clairs, numériques et s’appliquer à toutes les obligations. Conformément à l’esprit du projet de loi C-18, seuls des accords avec des organismes de presse qui produisent des informations d’actualités et qui sont en ligne devraient être exigés.
Projet de loi C-18 s. 27 | « Entreprise de nouvelles admissible »
Le projet de loi contient des critères d’éligibilité variables, appliqués différemment d’une publication à l’autre, pour qu’elle puisse être considérée comme une « entreprise de nouvelles admissible ». Il en résulte des normes complexes et incohérentes. En outre, le projet de loi n’exige pas que les fonds soient alloués au journalisme.
Pour que le projet de loi soutienne efficacement et équitablement le journalisme de qualité, les critères d’éligibilité devraient être uniformisés afin que tous les médias soient tenus de produire du contenu d’information et d’adhérer à un code de déontologie reconnu pour être éligibles. De plus, il est essentiel que tous les fonds reçus soient alloués au journalisme.
Projet de loi C-18 s. 51 | « Préférence indue »
La « préférence indue » est un concept conçu pour les modèles de diffusion traditionnels, et non pour le Web ouvert d’aujourd’hui. Elle crée un risque de responsabilité pour la mise en avant d’informations faisant autorité dans les résultats de recherche, empêchant Google et d’autres plateformes de donner la priorité aux sources d’information dignes de confiance plutôt qu’aux mauvais acteurs. Cela rend Search moins utile et moins sécuritaire pour les Canadiens.
La disposition relative à la « préférence indue » devrait être supprimée ou explicitement limitée à l’interdiction de la « discrimination injuste » et ne pas s’appliquer aux activités de classement ou de recommandation habituelles.